C'est un projet, un travail sur les et en Langues des Signes, les langues « parlées » par les communautés des sourds, des communautés profondément enracinées dans le territoire et aussi radicalement séparées, à cause des grandes difficultés de communication orale et écrite avec la majorité de la population.
Ces langues des Signes sont les seules vraiment « naturelles » pour l'enfant sourd et qu'il ne peut apprendre, s'il en a la possibilité, que de sa « propre famille silencieuse », donc en dehors de son milieu familial, vu que l'enfant sourd naît neuf fois sur dix dans une famille entendante.
J'ai commencé en m'intéressant aux communautés qui s'expriment en Langue des Signes Italienne (Lingua Italiana dei Segni - LIS), au Tessin (ma région d'origine) et dans le Nord de l'Italie, et en Langue des Signes Française (LSF), résidant à Genève pour des motivations d'étude, (...)
Le projet que je vous soumets maintenant est une recherche sur les conditions et la pratique des Langues des Signes dans les quatre régions de la Suisse.
Une recherche très avancée est en cours dans l'aire linguistique suisse allemande, sous la direction d'une linguiste américaine, Penny Boyes Bream. Ce sont des études sur les différentes formes de Langues des Signes Suisses Allemandes qui produisent beaucoup de documents, entre autres deux Cd-rom avec plus de 3000 vidéos et illustrations de signes, finalisées à l'enseignement. Dans ce cas les nouvelles ressources techniques rendent possible un travail de « capitalisation » d'une culture, de transmission d'une langue visuelle et en mouvement et la réalisation, enfin, de « bibliothèques » de documents, qui sont impossibles avec les seuls moyens d'archives écrits.
Dans l'aire linguistique romanche la situation est différente : les enfants sourds qui vivent dans le canton du Grison, s'ils ne sont pas intégrés dans des classes d'entendants, sont envoyés dans des institutions à Saint-Gall ou à Zurich - strictement oraliste la première, plus ouverte à la Langue des Signes la deuxième - et là ils apprennent la Langue des Signes Suisse Allemande, et s'installent souvent dans ces régions à cause du manque de travail dans leur lieu d'origine.
Pour des raisons historiques et sociologiques, donc, les Langues des Signes recoupent le territoire helvétique d'une manière légèrement différente par rapport aux langues parlées.
La langue, naturellement, a amené des personnes et la recherche a pris forme de plus en plus par le biais de rencontres et de récits.
Une grande partie du sens de ce travail - qui trouve ses racines dans mes recherches précédentes autour de l'Autre, de la rencontre, de la relation - réside dans la possibilité, parfois dans l'impossibilité de faire passer un sens en deçà et au-delà d'univers si séparés: « understanding of understanding » « comprendre comment nous comprenons des compréhensions pas à nous » (Geertz).
Un travail anthropologique qui prend les formes d'une installation artistique, consciente que « la compréhension de l'anthropologue ne découle pas d'un dialogue transparent, mais des malentendus et de l'opacité qui imprègnent nécessairement un rapport » (S. Borutti)
N'est-ce pas quelque chose qui cueille d'une manière encore plus radicale le thème et le problème de la communication et de la compréhension dans le « beau Pays, là où quatre oui résonnent », en remémorant le Dante de l'Enfer XXXIII ?
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